Traducteur océanographe

Augustin Roussette est né à quelques artères du Vieux-Port phocéen, à la fin d’une décade pailletée comme le derme d’un thon. C’était un matin d’automne.
Ce jour-là, il urina sur sa marraine et mangea ses premiers encornets farcis. On ne le vit jamais dévorer des petits pots et boire le lait maternel – régime qui fit l’admiration de ses parents et des poissonniers qui fournissaient la famille Roussette. La bouillabaisse et les crevettes flambées à l’anisette devinrent les plats de résistance de l’enfant bien avant qu’il ne quittât le couffin et le parc.


Marseille n’était que le lieu de l’accouchement, la mère d’Augustin souhaitant placer son aîné sous le patronage de Notre Dame de la Garde. La petite famille habitait en fait une ville ceinte de champs de betteraves et de forêts nervaliennes à quelques huit cent kilomètres de la « bonne mère ». Le jeune Roussette y fit ses premiers pas et sa scolarité.
Quand l’adolescence vint avec l’acné, un oncle lointain l’affubla d’un surnom malicieux, « pizza del pescatore »…
A dix-sept ans, il se piqua de lecture et d’écriture, et se lança à corps perdu dans l’étude des belles-lettres. Son amour des produits de la mer le porta même à écrire deux longs articles sur l’auteur du Poisson-scorpion.


La nature morte, telle que la conçoit Augustin Roussette, fait aller l’œil du ramequin empli de coquilles St Jacques aux pages encrées, de la rascasse belle horriblement à la plume biseautée.
Augustin Roussette vit aujourd’hui à la colle avec une gentille petite femme – elle aussi originaire d’un bord de mer. Avec elle, ça baigne dans l’huile !
Il porte le cheveu long, comme un marginal – ce qu’il n’est pas car il est trop bien éduqué pour ne pas manger les crevettes à la fourchette et au couteau –, et enseigne le français à quelques carpes et sirènes.
Augustin Roussette eut la chance de croiser, lors d’une promenade d’anniversaire, un certain Louis Butin, autre grand admirateur du Maître de Ballantrae. Ce jeune homme ne le convainquit pas d’entrer en Dérim : il lui en donna le goût.


La rencontre avec Oscar Braque agrémenta ce plaisir l’un lavis indélébile.
Depuis, Roussette se rend régulièrement dans ces contrées sauvageonnes et, sans filets, y pêche quelques récits point vertueux qui le font rire comme un lamantin ivre des profondeurs.

 

© Oscar Braque, Louis Butin et Augustin Roussette